Les violences au centre du Mali ont entraîné la mort de 580 personnes depuis le début de l’année, a indiqué vendredi la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, qui a appelé les autorités maliennes à ouvrir rapidement « des enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes » sur ces violences.
Ces tueries de civils interviennent dans un climat de « détérioration de la situation en matière de sécurité et l’impunité généralisée qui sapent les efforts de protection des civils ». Selon la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, les milices appartenant à la communauté peule ont été responsables d’au moins 71 de ces incidents violents, entraînant la mort de 210 personnes, tandis que celles issues de la communauté Dogon ont perpétré 12 attaques, faisant au moins 82 morts.
Du 1er janvier au 21 juin 2020, la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation au Mali (MINUSMA) a documenté 83 incidents de violences inter-communautaires dans la région de Mopti, dans le centre du pays. Et ces actes de représailles interviennent alors que les violents conflits entre les communautés Peul, qui sont principalement des éleveurs, et Dogon, qui sont principalement des agriculteurs et des chasseurs, ont augmenté ces derniers mois. Dans ce climat de défiance, ces milices communautaires, initialement formées pour défendre les communautés, deviennent « de plus en plus violentes et impliquées dans des attaques contre d’autres communautés ».
Selon les services de Mme Bachelet, ces attaques inter-communautaires ont également été alimentées et instrumentalisées par Al-Qaïda au Maghreb islamique, l’Etat islamique dans le Grand Sahara, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et par d’autres groupes armés similaires ou affiliés. Ces groupes ont été responsables de de 105 atteintes aux droits humains dont 67 morts depuis le début dans l’année dans la région de Mopti, selon la MINUSMA. Les données documentées par la Division des droits de l’homme de la MINUSMA, montrent que ces groupes ont été responsables, depuis le début de l’année, de 105 atteintes aux droits humains dans la région de Mopti, notamment la mort de 67 personnes.
Les forces de sécurité maliennes accusées de cibler principalement la communauté peule
Dans ce climat de terreur où la population est prise en étau, des individus ont également été enlevés, contraints de rejoindre des milices communautaires ou déplacés. « Les assaillants visent clairement à infliger des dommages importants et durables aux communautés, en incendiant des maisons, en pillant des biens et des greniers et en tuant ou en volant du bétail », détaille le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). Ces exactions interviennent alors que ces groupes armés ont accru leur présence dans les régions du centre du Mali alors qu’ils continuent d’être mis en difficulté dans le nord du pays par les forces nationales et internationales.
De leur côté, des membres des Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) envoyés dans la région pour lutter contre la violence communautaire et des groupes armés ont eux-mêmes été impliqués dans des violations des droits humains, ciblant principalement, selon l’ONU, des membres de la communauté peule.
A ce stade de l’année, la MINUSMA a recensé 230 exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires attribuées à des membres des FDSM dans les régions centrales de Mopti et Ségou. 47 de ces morts, survenues en mars 2020, sont attribuées aux forces de défense et de sécurité maliennes « agissant probablement sous le commandement de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel (G5 Sahel) », relève le communiqué de l’ONU.
« Un environnement protecteur possible que si l’impunité prend fin »
Des cas de disparitions forcées, de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, d’arrestations arbitraires et de destruction de plusieurs biens ont également été documentés.
« Le cercle vicieux des attaques de représailles entre les milices Dogon et Peul, couplé aux violations et abus commis par les Forces de défense et de sécurité maliennes et les groupes armés, a créé une situation d’insécurité chronique pour la population civile, qui ne peut pas compter sur la protection des forces maliennes », a fustigé Mme Bachelet, ajoutant que « cela doit cesser ».
Plus largement, toutes ces violations et abus ont été perpétrés dans un contexte d’impunité criante. « Cette absence de reddition de comptes continue de saper la confiance de la population dans les institutions de l’État, les gens comptant sur les milices et les groupes armés pour leur assurer la sécurité », regrette le HCDH qui appelle aux autorités maliennes à ouvrir rapidement des enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes sur toutes les violations présumées des droits humains. Il s’agit « de garantir la mise en place des processus de reddition de comptes appropriés. C’est le seul moyen d’inverser cette tendance de violence continue », a ajouté Bachelet.
De façon générale, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU invite le gouvernement et les forces nationales « à rétablir l’autorité de l’État dans tout le pays et assurer la paix, la sécurité et la protection du peuple ». Une façon de rappeler que cet environnement protecteur ne peut être possible que « si l’impunité prend fin ». « Et que tous les auteurs, y compris des membres des forces de défense et de sécurité, sont tenus responsables de leurs actes. Les gens ont besoin de justice, de recours et de réparations », a insisté Mme Bachelet.