Alors que les pays les plus riches ont entamé depuis quelques semaines leur campagne de vaccination contre la Covid-19, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne veut pas qu’on oublie les pays en développement. Le chef de l’agence onusienne, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a appelé vendredi les entreprises pharmaceutiques à partager leurs installations de fabrication afin d’accélérer la production des vaccins.
Cet appel intervient alors que « plus des trois quarts des vaccins sont présentement administrés dans seulement 10 pays, qui représentent près de 60% du produit intérieur mondial (PIB) mondial », a déclaré le Directeur général de l’OMS lors d’une conférence de presse virtuelle depuis Genève.
« Près de 130 pays, représentant une population totale de 2,5 milliards de personnes, n’ont pas encore administré une seule dose de vaccin », a regretté le Dr Tedros, relevant que « certains pays développés ont déjà vacciné une grande partie de leur population qui présente un risque moindre de maladie grave ou de décès ».
L’OMS appelle les pharmas à suivre l’exemple de Sanofi
Le chef de l’OMS est ainsi revenu sur les prévisions de distribution des vaccins, dans le cadre du dispositif COVAX. Si l’annonce de mercredi dernier « fut un moment très excitant », « les vaccins ne sont pas là » alors que les pays sont prêts.
L’OMS veut donc « une augmentation massive de la production » des vaccins. A ce sujet, elle s’est réjouie de l’annonce faite la semaine dernière, par Sanofi. En effet, l’entreprise pharmaceutique française a indiqué qu’elle mettrait à disposition son infrastructure de fabrication pour soutenir la production du vaccin Pfizer/BioNTech.
Selon les médias, le géant français mettra ainsi à disposition son usine de Francfort en Allemagne. Sanofi s’est dit en capacité de « fournir plus de 100 millions de doses d’ici à la fin de l’année », à raison de 15 millions de doses par mois dès juillet. « Nous appelons les autres entreprises à suivre cet exemple », a plaidé le Dr Tedros.
Pour une expansion de la production à l’échelle mondiale
Sur un autre plan, l’OMS préconise « des licences non exclusives pour permettre à d’autres producteurs de fabriquer leur vaccin anti-coronavirus ». Un tel mécanisme a été utilisé auparavant pour élargir l’accès aux traitements contre le VIH/Sida et l’hépatite C.
A cet égard, l’OMS rappelle que son Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la Covid-19 (Accélérateur ACT), et COVAX, le volet vaccins du Dispositif permettent « l’octroi de licences volontaires de technologies de manière non exclusive et transparente ». Ce qui permet d’offrir aux développeurs une plate-forme pour le partage des connaissances, de la propriété intellectuelle et des données.
Pour l’OMS, ce partage des connaissances et des données pourrait permettre l’utilisation immédiate de capacités de production inexploitées et contribuer à la création de bases manufacturières supplémentaires, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. « L’expansion de la production à l’échelle mondiale rendrait également les pays pauvres moins dépendants des dons des pays riches », a fait valoir le Dr Tedros.
Garantir un accès équitable aux vaccins dans le monde entier
« Nous vivons une époque sans précédent et nous acclamons les fabricants qui se sont engagés, par exemple, à vendre leurs vaccins au prix du coût de production », a-t-il ajouté. Mais pour y arriver, l’OMS attend des fabricants qu’ils fassent « plus ».
Ayant reçu « un financement public important », l’agence onusienne les encourage donc à partager leurs données et leur technologie pour « garantir un accès équitable aux vaccins dans le monde entier ».
« Et nous invitons les entreprises à partager leurs dossiers avec l’OMS plus rapidement et plus complètement qu’elles ne l’ont fait, afin que nous puissions les examiner en vue de leur inscription sur la liste des utilisations d’urgence », a insisté le Dr Tedros.
Ces disparités vaccinales interviennent au moment où au niveau mondial, « le nombre de vaccinations a désormais dépassé le nombre d’infections signalées ». « Dans un sens, c’est une bonne nouvelle et une réalisation remarquable en si peu de temps ».
« Chaque vie est précieuse, quels que soient l’âge ou l’origine ethnique » - Dr Tedros
Mais dans cette course aux vaccins, l’OMS veut éviter toute répartition inégale. Le chef de l’OMS a une nouvelle fois réitéré son appel aux nations riches pour qu’elles partagent les doses avec les pays en développement, une fois qu’elles auront vacciné les agents de santé et les personnes âgées.
Car plus de temps pour vacciner les personnes les plus exposées partout, c’est de donner la possibilité « au virus de muter et d’échapper aux vaccins ». « En d’autres termes, si nous n’éliminons pas le virus partout, nous pourrions revenir à la case départ », a-t-il fait valoir.
Plus globalement, l’OMS souligne l’importance de vacciner partout en priorité les personnes les plus exposées, y compris les travailleurs de la santé et les personnes âgées. A ce sujet, le chef de l’OMS a fustigé « ce récit troublant dans certains pays selon lequel il est normal que les personnes âgées meurent ».
« Ce n’est pas bien », a-t-il dit, ajoutant que « personne n’est dispensable ». « Chaque vie est précieuse, quels que soient l’âge, le sexe, le revenu, le statut juridique, l’origine ethnique ou autre », a conclu le Dr Tedros, rendant hommage au Capitaine Tom Moore, héros britannique de la pandémie, qui est décédé à 100 ans des suites du coronavirus.