Alors que la situation humanitaire a continué de s’aggraver en République démocratique du Congo (RDC), avec notamment une persistance d’attaques des groupes armés contre les civils dans les provinces orientales, les Nations Unies sont surtout inquiètes d’un regain de discours et messages incitant à la haine, dans un contexte de compétions politiques.
« Le pays continue d’assister à la propagation de discours de haine et d’incitation à l’hostilité, avec le risque de tensions et de violences ethniques et politiques généralisées », a alerté la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme de l’ONU, Nada Al-Nashif.
S’exprimant devant le Conseil des droits de l’homme, elle a tout de même salué « les efforts des autorités pour prévenir les discours de haine ». A ce sujet, l’ONU estime que le projet de loi Sakata contre le tribalisme, le racisme et la xénophobie, qui a été inscrit pour discussion à l’Assemblée nationale, est une bonne étape.
« Notre bureau continuera à mettre en œuvre ses activités de coopération technique, y compris la formation, le renforcement des capacités et le soutien aux réformes juridiques », a dit la Cheffe adjointe des droits de l’homme de l’ONU, relevant que le leadership du gouvernement est nécessaire pour s’assurer de l’examen « d’importants projets de loi », qui sont en attente depuis plusieurs années au Parlement.
Des tensions liées à la nomination des membres de la Commission électorale
Poursuivant son propos, Mme Al-Nashif a rappelé que des élections doivent se tenir en 2023 mais que le processus connaît actuellement des retards, notamment en ce qui concerne les réformes électorales du fait des tensions liées à la nomination des membres de la Commission électorale.
Elle a appelé le gouvernement à prendre toutes les mesures pour assurer un processus non violent, transparent, inclusif et crédible. « Les efforts visant à élargir l’espace démocratique doivent se poursuivre », a-t-elle fait valoir.
De son côté, le Président de l’Équipe d’experts internationaux sur la situation au Kasaï a indiqué que les déplacements de l’Équipe au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, dans la province du Tanganyika et dans l’Ituri lui ont notamment permis de constater l’existence de conflits « constamment alimentés par des phénomènes actuels, parmi lesquels la réalité d’une économie de guerre qui vit de ces conflits ; les trafics d’armes ; et l’exploitation frauduleuse des richesses du pays, avec des aspects transfrontaliers et internationaux notoires ».
« Les déplacements de notre équipe nous ont permis de faire un certain nombre de constats. D’abord le besoin de vérité sans laquelle les rumeurs, la stigmatisation et l’incitation à la haine pourront être difficilement combattues », a affirmé Bacre Wally Ndiaye. « Les nombreuses atrocités commises ont commencé par des mots, puis des discours de haine »
Dans ces conditions, la nécessité d’une politique de réconciliation et de tolérance mutuelle ne peut être durable que si elle est soutenue par la réalité d’une présence de l’Etat sur le plan administratif, sécuritaire, judiciaire et social, a détaillé le juriste sénégalais.
Face à ces alertes sur la multiplication de messages haineux, la délégation congolaise a rappelé l’histoire d’un pays « émaillée de nombreux conflits ethniques et tribaux alimentés souvent par les ambitions politiques des dirigeants ». « Les nombreuses atrocités commises ont souvent commencé par des mots, puis des discours de haine », a déclaré le Ministre des droits de l’homme de la RDC, Albert Fabrice Puela.
A cet égard, a-t-il indiqué, d’importantes recommandations ont été formulées aux différents organes politiques afin d’élaborer des stratégies de lutte contre les discours de haine. M. Puela a réaffirmé l’engagement de son pays à mettre en place un système de justice transitionnelle et un fonds national de réparation pour les victimes de crimes graves. La justice transitionnelle est essentielle pour débloquer le cercle vicieux de la violence qui persiste dans le pays depuis de nombreuses années, a-t-il souligné.
Près de 7.000 cas de violations et d’abus des droits de l’homme en 2021
Plus largement, la situation sécuritaire a continué de s’aggraver, avec notamment la persistance d’attaques des groupes armés contre les civils, notamment dans les provinces orientales. En 2021, le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme a enregistré près de 7.000 cas de violations et d’abus des droits de l’homme dans tout le pays.
Malgré une baisse globale de près de 12% par rapport à 2020, les abus commis par les combattants des Forces démocratiques alliées (ADF) ont pourtant augmenté. Les attaques se sont intensifiées contre les civils au Nord-Kivu et en Ituri, malgré l’état de siège en place depuis mai 2021. En outre, les attaques contre les civils par le groupe armé Nyatura et divers groupes Maï-Maï ont également augmenté dans les provinces du Nord-Kivu, du Tanganyika, du Maniema et du Sud-Kivu, selon l’ONU.
Cette insécurité s’est également traduite par un « rétrécissement de l’espace humanitaire dans les provinces touchées par le conflit ». En 2021, les services de la Haute-Commissaire Michelle Bachelet ont documenté au moins 292 incidents de violence contre des acteurs humanitaires, avec sept morts, 29 blessés et 25 enlèvements contre rançon.