Le 22 février 2018, l’État djiboutien a mis fin de manière anticipée à la concession du terminal à conteneurs de Doraleh, attribuée en 2006 à la société Doraleh Container Terminal (DCT), entreprise contrôlée de facto par l’actionnaire minoritaire DP World.
L’exécution de ce contrat de concession s’était révélée contraire aux intérêts fondamentaux de la République de Djibouti. La poursuite de ce contrat portait un préjudice grave aux impératifs de développement du pays et au contrôle de son infrastructure la plus stratégique.
Plusieurs tentatives de renégociation de la concession avec DP World, initiées par le gouvernement, n’ont pas abouti en raison du refus répété de DP World d’entendre les demandes légitimes de l’État djiboutien.
Cette résiliation, rendue dès lors nécessaire et inévitable, est conforme au droit international. Celui-ci reconnaît la capacité d’un État souverain à résilier unilatéralement un contrat pour motif d’intérêt général, à charge pour ce dernier de verser à son cocontractant une juste indemnisation. Cette résiliation s’inscrit également dans le cadre d’une procédure transparente. Elle trouve sa base légale dans une loi visant à protéger les intérêts fondamentaux de la Nation, votée par le Parlement djiboutien le 8 novembre 2017 et complétée par un décret daté du 22 février 2018.
DCT, sur demande de DP World, a pourtant décidé de tenter de s’y opposer et a initié unilatéralement une procédure d’arbitrage auprès de la LCIA (London Court of International Arbitration ou Cour internationale d’arbitrage de Londres) dans le but, annoncé publiquement par DP World, de reprendre dès que possible ses droits sur la concession et ainsi sur l’exploitation du terminal à conteneurs de Doraleh.
En toute logique, la République de Djibouti n’a pas participé à cette procédure, considérant que LCIA ne jugerait ce contentieux que sur la base des stipulations d’un contrat dont l’exécution porte atteinte aux intérêts fondamentaux de Djibouti.
L’arbitre unique désigné sous l’égide de la LCIA a rendu le 31 juillet 2018 une sentence partielle dont le gouvernement de la République de Djibouti a pris connaissance.
L’arbitre unique a conclu que le contrat de concession ne pouvait pas être résilié par le gouvernement de la République de Djibouti en application de la loi du 8 novembre 2017 et en a déduit que celui-ci est toujours en vigueur. La République de Djibouti n’accepte pas cette sentence qui consiste à qualifier d’illégale la loi d’un État souverain.
De fait, la sentence semble considérer que les stipulations du contrat de concession conclu entre le Port de Djibouti et DCT sont au-dessus de la loi djiboutienne. Elle ne fait aucun cas de la souveraineté de la République de Djibouti et ne tient pas plus compte des règles du droit international.
À suivre la sentence arbitrale, on comprend aussi qu’un État souverain n’aurait pas le droit de résilier un contrat dont il estime l’exécution contraire à ses intérêts fondamentaux, mais autoriserait en revanche son cocontractant (DP World) à résilier ledit contrat pour protéger ses intérêts commerciaux…
En d’autres termes, un contrat aurait une valeur supérieure à une loi adoptée au nom d’un peuple souverain.
En tout état de cause, l’approche de DP World qui consiste à tenter de s’opposer à la volonté d’un État souverain est irréaliste et cette démarche est vouée à l’échec. Le contrat de concession a été résilié, le personnel et les actifs de la concession ont été transférés à une entreprise publique spécifiquement créée à cet effet et qui gère désormais cette infrastructure.
C’est la raison pour laquelle dans cette affaire, seule une issue indemnitaire équitable, conforme aux principes du droit international, est envisageable.