Déclaration du 12 octobre 2019 du président « élu » Jean Ping


Crédit photo : © 2019 D.R.

Gabon Matin vous livre la déclaration du président « élu » Jean Ping du 12 octobre 2019.

Excellences, Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique,
Distingués invités
Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,

Aujourd’hui la gravité de la situation commande plus que jamais la solennité de mon propos.

L’heure est grave. La crise que traverse notre pays est inédite dans sa durée et sa dureté. Aujourd’hui, le pays, notre nation et notre terre, est dans un chaos qui dépasse les limites du supportable.

Mes Chers compatriotes,

En m’adressant avec gravité à la nation, je veux que le peuple gabonais comprenne bien que cette adresse est aussi une interpellation de ce que nous avons de plus authentiquement gabonais, les valeurs et les mânes de nos ancêtres.

Chers compatriotes,

J’ai en mémoire votre mobilisation, sans précédent, le jour de l’élection, le 27 août 2016. Depuis trois ans, j’ai pris mes responsabilités, dans le feu du coup d’État et des assauts armés contre mon Quartier Général et contre les populations civiles.

Vous vous tenez à mes côtés dans ce combat dont j’ai pris la tête. Depuis plus de trois ans, personne ne peut mettre en doute ce que je considère comme notre engagement commun.

Nous sommes tenus, moi le premier, par l’ardente obligation de sauver la patrie ; et telle est aussi notre responsabilité historique commune.

Depuis plus de trois ans, ma détermination a toujours été ancrée en moi. Elle reste constante et intacte.

Dans ce combat, à l’instar des députés européens et des Résolutions adoptées par le Parlement Européen, la Communauté internationale ne peut aujourd’hui qu’être ferme dans son soutien à notre noble cause tant le Gabon est en danger de mort.

La France est au vu de la Communauté internationale la patrie des Droits de l’Homme. Dans cet esprit, nous pouvons légitimement compter sur la France, qui par le passé a su dénoncer des crimes odieux que subissaient des Nations amies.

Dans ce contexte de violations permanentes des libertés fondamentales, nous avons manifesté, sans cesse, ici et dans la Diaspora, tout en gardant ouverte la voie diplomatique.

Il est impératif d’inscrire notre combat dans l’esprit du droit international, tout comme dans l’esprit de la Concorde.

C’est précisément au nom de cette concorde que j’ai depuis le 3 novembre 2018, lancé un appel au Rassemblement qui prenait en compte les patriotes de toutes les familles politiques.

La vérité, la justice, la réconciliation nous le commandent.

Chers compatriotes,
Chers partenaires du Gabon,

À cet instant solennel, je me tourne vers vous, mes compatriotes et les amis du Gabon, pour qu’ensemble nous puissions faire barrage à la nouvelle donne née de la désagrégation sans précédant de l’État et de ses administrations, de l’abandon de la société plongée dans l’incertitude de son avenir.

Cette situation ne saurait durer davantage. Elle ne saurait durer davantage.

Que chacun en tire donc les conséquences.

Il y a un risque certain de voir naître le ressentiment entre les Gabonais et les partenaires du Gabon, ainsi qu’avec les communautés établies chez nous.

Ce risque est particulièrement préjudiciable à notre vivre ensemble.

La forme la plus visible aujourd’hui, de la déliquescence à la fois de notre société et de l’État, est le basculement de la situation de l’usurpation du pouvoir par Ali Bongo, à l’anarchie qui s’est établie au sommet de l’État.

Le Gabon a basculé dans l’inconnu. Le Gabon est ainsi livré aux aventuriers. Il est pillé, piétiné, martyrisé, humilié. Aux yeux du monde et dans ces conditions, le Gabon peut-il être encore considéré comme un État ?

Chers compatriotes,
Chers partenaires du Gabon,

Depuis le spectacle affligeant d’Ali Bongo aux cérémonies du 17 août dernier, le peuple gabonais et la Communauté internationale ne peuvent plus se retrancher derrière les supputations et prétendre ne rien savoir de l’état réel de la santé d’Ali Bongo.

Plus qu’une intime conviction, il s’agit d’un constat définitivement accablant qui saute aux yeux du monde : Ali Bongo n’est plus en capacité de gérer le pouvoir usurpé, au point de servir de marionnette à de nouveaux usurpateurs qui livrent le pays aux enchères.

Le Gabon est devenu un navire sans capitaine ni boussole, livré au gré des convoitises, notamment aux velléités de celui qui, dans la bande, sera le plus malin, le plus cynique, le plus vorace.

Parmi eux, celui qui va, aujourd’hui, le plus loin, un repris de justice, se distingue en jouant de la confusion de ses identités et de ses nationalités.

Ce jeu de dupes qui ne trompe pas les personnes avisées, jette cependant le trouble dans l’opinion vis à vis de notre partenaire historique.

En effet, face à ce personnage et les actes qu’il pose, naît un sentiment anti-français, dont il faut redouter les effets, à terme.

Ce comportement, porteur de danger dans les relations entre la France et le Gabon, ne saurait être sous estimé encore moins ignoré.

C’est pourquoi, je juge qu’il est de mon devoir, en prenant à témoin le peuple gabonais et le peuple français, de mettre en garde les citoyens gabonais contre toute méprise de ce genre.

En retour, le peuple gabonais en appelle à la France, au nom de l’amitié entre nos deux États et de leurs intérêts respectifs bien compris, pour ne pas laisser perdurer les agissements irresponsables et dangereux, d’un de ses ressortissants, dont il connaît tout de ses origines réelles et de ses méfaits antérieurs.

Au terme d’une prétendue tournée républicaine à travers le pays, au cours de laquelle Ali Bongo vient d’être exhibé à l’étape de Nzeng Ayong, je le dis avec tristesse et dégoût, l’occasion a encore été donnée aux Gabonais et à la Communauté internationale de confirmer l’état d’incapacité d’Ali Bongo.

Comble de cynisme, on fait mine de lui donner la parole pour faire illusion.

Cette image artificielle restera comme le double symbole de cette tournée :

► d’une part une tournée sans aucun message de bout en bout, ni d’Ali Bongo, ni de ses prétendus émissaires ;

► d’autre part, une tournée qui donne d’Ali Bongo une image dégradante à plusieurs titres, que la décence m’interdit de commenter.

Excellences, membres du corps diplomatique,
Mes chers compatriotes,

Le Gabon a subi un coup d’arrêt, depuis plus de trois ans, depuis qu’il a été refusé au peuple gabonais de disposer de sa souveraineté.

Ce que je viens d’évoquer montre que le pays est engagé dans une destruction systématique dont on ne perçoit pas la fin.

Ces douze derniers mois ont particulièrement renforcé cette entreprise de destruction qui n’épargne aucune composante de l’État et de la société.

Au sommet de l’État s’est d’abord imposée l’usurpation du pouvoir, au prix d’un bain de sang, d’emprisonnements et de confiscation des libertés fondamentales.

À cette usurpation a succédé la démence, toujours et encore au sommet de l’État, qui entraîne l’effondrement des fondamentaux de nos institutions, de notre économie, de notre société.

Dans cet état d’illégitimité et d’illégalité généralisé, plus rien ne nous surprend :

►ni l’instabilité gouvernementale ;

►ni le pillage des ressources ;

►ni l’absence du Gabon, faute de représentant au plus haut niveau de l’État, sur la scène internationale, notamment à la dernière Assemblée Générale de l’ONU ou aux derniers Sommets internationaux ;

►ni le délabrement économique et l’extrême détérioration des finances publiques ;

►ni l’état social et le délitement des secteurs clefs de l’éducation nationale et de la santé publique, et j’en passe.

Chers compatriotes,
Chers partenaires du Gabon,

Certaines décisions peuvent être plus que d’autres, plus alarmantes, surtout quand elles s’inscrivent dans le contexte de l’État mafieux et prédateur qui a pris les commandes du pays.

Tel est le cas de la décision adoptée le Mercredi 2 octobre dernier, de transférer à la Caisse des Dépôts et Consignation « à titre gracieux, l’ensemble des titres fonciers appartenant à l’État, à l’exception de ceux affectés à l’usage des services publics de l’État, des Collectivités locales et des Forces de Défense et de Sécurité ».

Le prétexte officiel et apparent de cette décision est de « permettre à la Caisse des Dépôts et Consignation … de lever des fonds sur le marché aussi bien national qu’international pour le compte de l’État en vue du financement des projets de développement ».

Le peuple gabonais a appris à se méfier du masque de l’intérêt général, dont se prévalent les décisions de la mafia qui a pris le contrôle de l’administration et de l’État.

Témoin de la confusion entretenue entre les intérêts privés des usurpateurs et les biens de l’État, le peuple gabonais n’a pas hésité un seul instant en interprétant cette décision sur le patrimoine foncier de l’État, comme une mesure dangereuse qui n’a d’autre nom que « l’accaparement des terres ».

La mobilisation qui se lève de partout, exprime l’inquiétude légitime, de se voir spolier dans les mois qui viennent, le patrimoine foncier, cédé aux plus offrant des intérêts sans visage et sans nom, au détriment du Gabon, mis à mal dans sa souveraineté et son unité, et des ses populations qui seront expropriées pour cause d’utilité privée.

Le peuple Gabonais se mobilise contre cette décision inique, qui porte manifestement la menace de le déposséder de son sol et des terres de ses ancêtres.

Chacun y lit le projet insidieux de voir les Gabonais sans racines sur leur propre sol.

Évidemment, je soutiens avec force cette mobilisation et je mets en garde contre la réaction des Gabonaises et des Gabonais, dont on ne peut présager des conséquences.

De l’Estuaire, du Haut-Ogooué, du Moyen-Ogooué, de la Ngounié, de la Nyanga, de l’Ogooué-Ivindo, de l’Ogooué-Lolo, de l’Ogooué-Maritime et du Woleu-Ntem, Gabonais patriote, entends-tu ce pays qui gémit ?

Vois-tu ce pays que l’on saigne ?

Es-tu conscient de cette destruction programmée ?

Confronté à un dictateur usurpateur et aujourd’hui inaudible, ballotté de droite à gauche, le Gabon est plus que jamais en danger et il sait que son ultime recours demeure et demeurera toujours son peuple.

Comme le disait le Président François MITTERRAND, que je cite : « Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne s’est pas levé contre lui » fin de citation.

Le peuple s’est levé et j’en suis le représentant légitime par la voie des urnes.

Excellences, membres du corps diplomatique,
Mes chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,

Le Gabon mérite mieux.

Les Gabonaises et les Gabonais méritent mieux.

Ils méritent des conditions de vie meilleures, au regard des richesses dont dispose leur pays.

Le Gabon mérite mieux.

Le Gabon mérite mieux pour ses institutions, car le peuple Gabonais s’est exprimé souverainement et en toute responsabilité, le 27 août 2016.

Les Gabonaises et les Gabonais ont exprimé un vote clair et massif en ma faveur, pour marquer leur choix pour l’alternance, la rupture dans les orientations de la Gouvernance du Pays et l’affirmation de la place du Gabon, dans le concert des États.

Le Gabon mérite mieux.

Pour vivre à l’abri de la peur, à l’abri du besoin.

Chers compatriotes,
Chers partenaires du Gabon,

Le destin du Gabon est en jeu.

Le choix fait par les électeurs gabonais en 2016, correspond à une orientation salutaire. La seule qui vaille et dans laquelle j’ai inscrit toute mon action depuis plus de trois ans.

Plus de trois ans après, en effet, le bilan montre que le peuple gabonais, porté par ma détermination sans faille sur les principes et sur les attentes de ce peuple, a su résister à plusieurs titres.

Oui le peuple Gabonais a su résister.

Oui le peuple Gabonais a su déjouer le piège de la violence qui sert toujours de prétexte pour écraser sous le feu nourri des armes la résistance.

Oui le peuple Gabonais a su résister.

Oui le peuple gabonais, inscrit dans une révolution citoyenne pacifique a su résister à l’usure du temps, même si certains sont retombés dans l’asservissement et l’allégeance au pouvoir usurpateur, qui reste en quête sans fin de légitimité.

Mes chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,

L’usure du pouvoir usurpateur, condamné à sa chute inéluctable, est la meilleure illustration du bilan de la résistance.

Nous avons écrit ces belles pages, porteuses de l’espoir de notre triomphe, en combinant le rapport de force et la diplomatie. En comptant sur nos propres forces et sur les concours multiformes de la Communauté internationale et du principal partenaire du Gabon.

Ce qu’il me reste à réaliser avec vous, ce qu’il nous faut achever ensemble, s’inscrit dans cette perspective : accéder à l’exercice du pouvoir.

Ali Bongo n’est plus l’horizon du Gabon. Il appartient désormais au passé du Gabon. Ali Bongo, c’est le passif.

Investi des prérogatives que je tiens de votre vote souverain du 27 août 2016, j’entends atteindre notre but ultime. Pour ce faire :

Premièrement, je proclame solennellement, l’urgence de mettre un terme à la déliquescence de l’État gabonais, fort de la prise de conscience partagée par le peuple gabonais et par le principal partenaire du Gabon.

En raison de cette urgence, la vacance de pouvoir et la fin de l’usurpation ne peuvent attendre plus longtemps sans hypothéquer davantage l’avenir du Gabon.

En conséquence, je demande aux institutions habilitées par la Constitution de déclarer la vacance de pouvoir.

Dans cet esprit, le peuple gabonais doit agir de concert avec les pays frères, amis et partenaires pour qu’en ce 21ème siècle, ce qui se fait actuellement au Gabon ne prospère point, et ne devienne pas une référence, une triste « jurisprudence » pour les autres pays de la sous région.

Aujourd’hui, aucun pays, aucun peuple, aucun État ne peut vivre en vase clos avec comme règle l’usurpation et l’impunité.

Deuxièmement, je considère qu’il n’y a pas d’autre agenda salutaire pour le Gabon que celui de la reconnaissance du vote souverain exprimé par le peuple Gabonais, le 27 août 2016.

Troisièmement, j’entends poursuivre l’action diplomatique, car je demeure convaincu que la Communauté internationale se retrouve dans les engagements que je n’ai cessé de renouveler pour garantir une passation pacifique du pouvoir.

Quatrièmement, je reste engagé dans le rapport de force intelligent qui a fait ses preuves, à travers l’action de mobilisation aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Cinquièmement, je reste attaché aux apports des patriotes de tous bords, pour prendre leur part dans la sauvegarde de notre nation. J’ai toujours à leur endroit cet appel ultime et aujourd’hui totalement solennel par votre présence.

Excellences, membres du corps diplomatique,
Mes chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,

Mon but, le but de ceux d’entre nous qui ont porté ce combat depuis plus de trois ans, dépasse la simple revendication d’une victoire reconnu par tous.

En effet, quand plus de 65% d’électeurs m’ont élu, ils ont choisi le Gabon.

En restant debout face au coup d’état militaro électoral, ils ne font rien d’autre que défendre leur Droit. Rien que le Droit du peuple souverain.

Ils défendent la Patrie. Rien que la Patrie.

Du Président Abraham LINCOLN, j’ai retenu que le Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ne disparaîtra pas de la terre. Il en sera ainsi sur notre terre, la terre sacrée du Gabon.

Que Dieu bénisse le Gabon

Vive la République

Vive le Gabon

Je vous remercie