Le relèvement après la crise de la Covid-19 doit être l’occasion de répondre aux causes profondes des conflits en Afrique, de faire de la prévention une priorité et de mettre en œuvre une politique de développement durable, a déclaré, mercredi, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’un débat au Conseil de sécurité.
Plusieurs pays du continent africain sont confrontés à une violence chronique et d’autres ont vu la résurgence d’anciens conflits, a noté le chef de l’ONU lors de ce débat consacré à la paix et la sécurité en Afrique et présidé par le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de sécurité en mai.
« Les groupes extrémistes violents en Afrique occidentale et centrale et au Mozambique, y compris ceux associés à Al-Qaïda et à l’EIIL (Daech), ont poursuivi et même intensifié leurs attaques odieuses contre les civils, créant de nouveaux défis majeurs pour les sociétés et les gouvernements », a souligné M. Guterres. Selon lui, les récentes attaques à Cabo Delgado, au Mozambique, et l’insécurité croissante provoquée par les rebelles des Forces démocratiques alliées dans l’est de la République démocratique du Congo sont « des rappels tragiques de cette grave menace ».
« Depuis le début de la pandémie, mes représentants et envoyés spéciaux à travers le continent ont intensifié leurs efforts pour renforcer la prévention des conflits et faire avancer les négociations de paix conformément à l’Initiative de l’Union africaine pour faire taire les armes », a noté le Secrétaire général. Le mois dernier, par exemple, le Représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique centrale, François Louceny Fall, s’est rendu à N’Djamena et a rencontré les principales parties prenantes tchadiennes et régionales pour promouvoir des processus pacifiques, inclusifs et consensuels pour un retour à l’ordre constitutionnel après le décès du Président tchadien Idriss Déby Itno.
« En Libye, la sensibilisation de la MANUL (Mission des Nations Unies) au moyen de réunions virtuelles avec des femmes, des jeunes et des dirigeants civiques a été au cœur de notre soutien au dialogue politique en cours », a souligné le chef de l’ONU.
Inégalités, pauvreté, insécurité alimentaire, dégradation de l’environnement sont des facteurs de risque
De nombreux pays et communautés sur le continent africain doivent faire face à un environnement de sécurité complexe auquel s’ajoutent des facteurs aggravant comme les inégalités, la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la dégradation de l’environnement. Les perturbations climatiques sont un autre multiplicateur de crise.
« Certains pays sont dans un cercle vicieux dans lequel les conflits engendrent la pauvreté et la fragilité, ce qui à son tour diminue la résilience de ces sociétés et les perspectives de paix », a noté le Secrétaire général. « Un an après le début de la pandémie de Covid-19, alors que nous sommes confrontés à la possibilité d’une reprise inégale, il est clair que la crise alimente nombre de ces facteurs de conflit et d’instabilité ».
Les graves retombées économiques de la pandémie aggravent les tensions. La croissance économique sur le continent africain a ralenti. Les envois de fonds se tarissent et la dette augmente. Au nom de la lutte contre la crise, certains gouvernements ont restreint les processus démocratiques et l’espace civique. Dans plusieurs pays, la pandémie est allée de pair avec des discours de haine, des incitations à la violence et une désinformation nuisible, qui ont exacerbé les divisions et érodé davantage la confiance.
Le chef de l’ONU a également souligné que le grave impact de la pandémie sur les jeunes contribue à l’augmentation des risques. « La perte d’opportunités d’éducation, d’emploi et de revenus entraîne un sentiment d’aliénation, de marginalisation et de stress lié à la santé mentale qui peut être exploité par les criminels et les extrémistes », a-t-il prévenu.
Selon lui, la pandémie continue également d’aggraver les inégalités entre les sexes. La Covid-19 menace des gains durement acquis sur la participation pleine, égale et significative des femmes dans tous les domaines de la vie sociale, économique et politique, y compris les processus de paix. Le Secrétaire général a exhorté les États membres à déployer des efforts proactifs pour inclure les femmes et les jeunes dans l’élaboration du relèvement post-pandémique.
« Le relèvement après la pandémie offre l’occasion de s’attaquer aux causes profondes des conflits, de placer la prévention au premier plan de nos efforts et de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine », a-t-il déclaré, ajoutant que l’ensemble du système des Nations Unies à travers le continent africain s’emploie à soutenir ces objectifs.
Nécessité d’un effort mondial coordonné sur les vaccins
Le chef de l’ONU a noté cependant, que l’offre et l’accès limités aux vaccins et le soutien insuffisant à la riposte à la pandémie entravent et retardent désormais la reprise. Sur 1,4 milliard de doses administrées dans le monde aujourd’hui, seulement 24 millions ont atteint l’Afrique - moins de 2%. Il a plaidé une nouvelle fois pour un effort mondial coordonné sur les vaccins et pour des mesures visant à alléger le fardeau de la dette qui menace de paralyser la reprise dans de nombreux pays en développement à revenu faible ou intermédiaire, et en particulier en Afrique.
Le Secrétaire général a souligné que les équipes de pays des Nations Unies et les missions politiques et de maintien de la paix travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements nationaux, l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les institutions financières internationales pour lutter contre la propagation du virus et placer l’inclusion, la résilience et l’action climatique au premier plan des efforts de reconstruction des économies et des sociétés.
En janvier, António Guterres a nommé un Coordonnateur spécial pour le développement au Sahel. Il a noté qu’en Afrique centrale, l’ONU travaille avec les gouvernements et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) pour mettre en œuvre la stratégie régionale visant à lutter contre la pandémie de Covid-19 et à atténuer son impact socio-économique.
« Nos campagnes de communication et nos missions de maintien de la paix contribuent à lutter contre les rumeurs et la désinformation. Par exemple, en République démocratique du Congo, Radio Okapi de la MONUSCO (Mission des Nations Unies) fournit des informations factuelles sur la Covid-19 dans les langues locales », a-t-il ajouté. « Partout sur le continent et dans le monde, notre initiative ‘Vérifié’ propose des récits scientifiques pour aider les gens à rester en sécurité, à garder espoir et à s’entraider ».