Gabon Matin vous livre l’intégralité de la déclaration du Sena, prononcée hier en point de presse. Le Syndicat de l’éducation nationale s’insurge contre les récentes mesures prises par le gouvernement à l’encontre des enseignants. Ce syndicat menace d’entrer en grève si les mesures querellées ne sont pas annulées.
Déclaration du Sena
Mesdames et Messieurs,
Chers enseignants,
Chers camarades
Depuis deux ans, le SENA, notre Organisation syndicale s’était résolue à adopter, comme mode d’action, la négociation et la concertation permanente pour ainsi se départir des mouvements de contestation qui avaient cours dans le secteur éducation. Cette manière de travailler a eu pour effet bénéfique, le bon déroulement des dernières années scolaires avec au final, l’organisation à temps des examens et concours.
Mais aujourd’hui, cette dynamique semble compromise à cause, non seulement, du défilé des ministres à l’éducation nationale, mais aussi, du manque de visibilité et de la non définition des priorités dans le pilotage de notre système éducatif ce qui empêchent in fine l’instauration d’un véritable dialogue social. En somme, tout se décide et se fait, le plus souvent, au gré des cahiers de revendications et des urgences de terrain.
Ainsi, depuis l’entame de cette année scolaire 2018-2019, les faits montrent que le Gouvernement, par ses pratiques et décisions, s’emploie malheureusement à réactiver les tensions, à en juger par l’intervention du Premier ministre, le 26 février 2019 devant les députés, lorsqu’il déclare vouloir mettre un terme au paiement des primes de vacation dans le secteur éducation.
Sur cet aspect précisément, le SENA estime que cette annonce du premier ministre ne peut trouver son appui, quand on sait que chaque agent de l’Etat est formé, justement, pour remplir une tâche bien précise dans des conditions particulières et dans un contexte bien déterminé. C’est le cas des personnels de l’éducation nationale, et vouloir les discriminer à travers une telle mesure serait une injustice intolérable.
Toutefois, si la mesure envisagée vise à assainir les finances publiques, parallélisme de forme oblige, celle-ci devrait s’étendre aux autres corps de l’administration qui bénéficient des mêmes avantages sinon plus.
Revenant sur les dernières mesures gouvernementales annoncées lors du conseil des ministres du vendredi 29 mars 2019 dernier, le SENA constate pour le déplorer que le Gouvernement fait dans l’entêtement en instituant à nouveau la même Contribution de Solidarité sur les Hauts Fonctionnaires (CSHR) au moyen d’une décote qui varie entre 5 et 15%, laquelle avait été annulée par décision de la Cour Constitutionnelle sur saisine de nos camarades de Dynamique Unitaire.
Nous demandons simplement son retrait, parce qu’elle viendra alourdir un peu plus l’assiette imposable déjà lourde avec : la Contribution Spéciale de solidarité (CSS), la TVA, la taxe audiovisuelle, la Contribution spéciale électricité, la contribution Spéciale eau, sans compter les effets dévastateurs de la vie Chère sur les ménages.
S’agissant de la mesure sur les nouvelles conditions d’attribution des bourses aux élèves, les SENA affirme que les raisons avancées à savoir les « conditions économiques actuelles » ne peuvent, elles seules, militer pour cette réforme sans s’attaquer à l’environnement d’étude des élèves et aux conditions de vie et de travail de leurs enseignants. A la lumière de ces deux indicateurs déterminants, on peut conclure aisément que c’est une fuite en avant puisque depuis de nombreuses années, on observe que les dépenses de l’Etat ne sont pas orientées prioritairement dans l’éducation. Au contraire, l’Etat encourage la privatisation du secteur et la commercialisation des services d’éducation, en favorisant la création incontrôlée des écoles privées à qui il accorde des aides et des appuis multiformes (affectation du personnel et des élèves, subventions).
Ainsi, les importantes sommes englouties dans les écoles privées auraient dû permettre la construction des structures d’accueil en quantité et en qualité et régler le phénomène des effectifs pléthoriques.
Ces mesures décidées par le Gouvernement, depuis quelques temps, à savoir l’augmentation des frais d’inscription dans les universités et grandes écoles, la réforme des conditions d’octroi des bourses aux élèves, risquent d’introduire des discrimination entre élèves ( privé-public) et s’éloigner ainsi de l’égalité de chances, de contribuer aux abandons scolaires, d’accentuer le chômage et la délinquance des jeunes. Par conséquent, ces reformes ne doivent donc pas être appliquées dans les conditions dans lesquelles se trouve actuellement l’école gabonaise.
Mesdames et Messieurs,
En plus des faits évoqués plus haut, le SENA constate pour s’en offusquer, que le Gouvernement ne se presse pas d’apporter des solutions appropriées et définitives aux préoccupations des Enseignants.
Pour preuve :
nous avons attendu sans succès la régularisation des situations administratives des personnels de l’éducation (recrutements, intégrations, titularisations, avancements, reclassements) ;
nous avons attendu sans succès l’organisation des concours internes (ENS, ENI) reportés sine die ;
nous avons attendu sans succès l’octroi des postes budgétaires aux stagiaires des promotions 2015, 2016, 2017 en attente ;
nous avons attendu sans succès la relance la construction des infrastructures scolaires ainsi que la réhabilitation de l’existant dans les meilleurs délais ;
nous avons attendu sans succès la sécurisation des établissements ;
nous avons attendu sans succès la création d’un corps de sécurité scolaire et ou la formation du personnel pour faire face aux violences en milieu scolaire ;
nous avons attendu sans succès le paiement des vacations 2018 ;
nous avons attendu sans succès le paiement des salaires aux agents suspendus de solde suite au recensement initié en juillet 2018 ;
nous avons attendu sans succès le paiement des rappels solde et du reliquat de la PIFE 2015.
S’agissant spécifiquement de la carrière, le SENA relève que les mesures d’austérité décidées par le Gouvernement en 2018, ne concernaient pas le secteur éducation, mais s’étonne que la carrière des personnels de l’éducation soit toujours bloquée depuis plus de trois ans.
Le SENA s’étonne par ailleurs que les vacations des examens 2018, ne soient pas encore payées aux concernés à quelques jours du démarrage des examens de l’année en cours.
Sur ce point, le SENA demande donc aux Enseignants retenus dans les jurys des épreuves d’EPS et d’oral (objets d’art) pour les examens 2019 de ne pas se rendre dans les centres d’examens et d’attendre le paiement de leur dû. Ne pas le faire serait participé à la chosification de l’Enseignant.
Face à tout ce qui précède et à ce qu’il considère comme un refus de dialogue, le SENA après plusieurs tentatives infructueuses décide ici et maintenant du dépôt d’un préavis de grève dès le lundi 8 avril 2019.
A cet effet, une Assemblée Générale de décision aura lieu le mercredi 17 avril à 13h au siège de la Peyrie. D’ores et déjà, nous invitons tous les Enseignants et les autres personnels à la mobilisation et à la détermination aux fins de nous faire entendre.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Fait à Libreville, le 5 avril 2019
Pour le BEN, le Secrétaire Général
Fridolin MVE MESSA