Alors que l’Afrique s’inquiète déjà des effets d’une troisième vague, les cas de Covid-19 ont augmenté de plus de 20% d’une semaine à l’autre à travers le continent, a alerté mercredi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Avec une troisième vague qui s’accélère, le continent africain se rapproche du pic de la première vague, soit plus de 120.000 cas hebdomadaires enregistrés en juillet 2020, selon de nouvelles données de la branche africaine de l’OMS.
« Nous avons maintenant dépassé les 5 millions de cas de Covid-19 en Afrique et 136.000 personnes sont malheureusement décédées », a déclaré la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Dr Matshidiso Moeti, lors d’un point de presse en visioconférence depuis Brazzaville (Congo).
Sur le terrain, les signes d’une troisième vague se multiplient. Les cas sont passés à plus de 116.500 au cours de la semaine se terminant le 13 juin, contre près de 91.000 cas la semaine précédente. Une dynamique notée après un mois « d’augmentation progressive » du nombre de cas qui a permis au continent de dépasser la barre des 5 millions de cas.
Inquiétudes en Afrique du nord, australe et orientale
Or seule l’Afrique reste sujette à une augmentation du nombre de cas de Covid-19 semaine après semaine, alors que dans les cinq autres régions de l’OMS à travers le monde, le nombre de nouvelles infections continue de baisser. Cinq pays représentent 76 % des nouveaux cas : l’Afrique du Sud avec 43 %, suivie par la Tunisie, la Zambie, l’Ouganda et la Namibie.
« Au niveau continental, nous observons une augmentation de cas similaire au pic de la première vague en juillet 2020 et environ 50 % du pic de la deuxième vague en janvier 2021 », a ajouté Dre Moeti. Pour la deuxième semaine consécutive, la barre des 20 % de nouveaux cas a été franchie sur le continent. Les nouveaux cas à l’échelle du continent ont ainsi augmenté de près de 30% au cours de la semaine dernière.
Dans 22 pays africains - soit près de 40 % des 54 nations africaines - les cas ont augmenté de plus de 20 % au cours de la semaine se terminant le 13 juin. Au cours de la même semaine, les décès ont augmenté de près de 15 % pour atteindre plus de 2.200 dans 36 pays.
RDC, Namibie et Ouganda signalent leur plus grand nombre de nouveaux cas hebdomadaires depuis le début de la pandémie
Les nouveaux cas enregistrés chaque semaine en Afrique ont désormais dépassé la moitié du pic de la deuxième vague de plus de 224.000 cas hebdomadaires enregistré début janvier 2021. La République démocratique du Congo, la Namibie et l’Ouganda ont signalé leur plus grand nombre de nouveaux cas hebdomadaires depuis le début de la pandémie.
Pour la cheffe du Bureau de l’OMS pour l’Afrique, le continent est en train de vivre une véritable troisième vague. « La trajectoire de l’augmentation des cas donne à réfléchir et devrait inciter tout le monde à agir de toute urgence », a-t-elle dit. Parmi les facteurs expliquant cette tendance à la hausse, l’OMS avance « le manque d’adhésion aux mesures de prévention, qui a alimenté cette nouvelle flambée ».
Cette nouvelle donne coïncide aussi avec un climat plus froid en Afrique australe et avec la propagation de variantes plus contagieuses. A l’instar de la variante Delta, détectée pour la première fois en Inde en octobre 2020, qui a été signalée dans 14 pays africains. Les variants Alpha (britannique) et Beta (sud-africain) sont, quant à eux, présents dans plus de 25 pays africains.
5 millions de doses de vaccins en cinq jours en Afrique
« Nous avons vu en Inde et ailleurs à quelle vitesse le nouveau coronavirus peut rebondir et submerger les systèmes de santé », a mis en garde la Dr Moeti, prônant un renforcement des mesures de santé publique, en trouvant, testant, isolant et soignant les patients ainsi qu’en retraçant rapidement les cas contacts. Par ailleurs, cette nouvelle flambée s’explique en partie aussi par le difficile déploiement de la vaccination sur le continent, surtout par rapport au reste du monde.
Certes le déploiement en Afrique s’accélère avec plus de 5 millions de doses administrées au cours des cinq derniers jours, contre environ 3,5 millions de doses par semaine au cours des trois dernières semaines. Près de 12 millions de personnes sont désormais entièrement vaccinées, mais cela représente toujours moins de 1 % de la population africaine. Vingt-trois pays africains ont utilisé moins de la moitié des doses qu’ils ont reçues jusqu’à présent, dont quatre des pays qui connaissent une résurgence.
Environ 1,25 million de doses AstraZeneca dans 18 pays doivent être utilisées avant la fin du mois d’août pour éviter l’expiration. Sept pays africains ont déjà utilisé 100 % des vaccins qu’ils ont reçus par le biais du mécanisme COVAX et sept autres en ont administré plus de 80 %. Selon l’OMS, ces pays sont notamment confrontés à des défis logistiques, à des lacunes dans le financement opérationnel et à des hésitations en matière de vaccins.
Vaccination et remobilisation communautaire
« L’augmentation du nombre de cas et de décès est un signal d’alarme urgent pour ceux qui sont à la traîne, qui doivent rapidement multiplier les sites de vaccination, atteindre les groupes prioritaires et répondre aux préoccupations de la communauté », a fait valoir la Dr Moeti. A noter que près de 85 % de toutes les doses de vaccin dans le monde ont été administrées dans des pays à revenu élevé ou moyen supérieur - une moyenne de 68 doses pour 100 personnes dans les pays à revenu élevé, contre près de 2 doses pour 100 personnes en Afrique.
Le nombre de doses administrées dans le monde jusqu’à présent aurait été suffisant pour couvrir tous les agents de santé et les personnes âgées, si elles avaient été distribuées équitablement. Malgré ces difficultés dans l’accès vaccinal, l’OMS aide les pays à examiner et à mettre en œuvre des plans de résurgence jusqu’au niveau du district. L’Agence sanitaire mondiale de l’ONU élargit également l’accès à des tests de diagnostic rapide faciles à utiliser pour la détection d’antigènes dans les communautés qui n’auraient pas accès aux tests standard PCR.
Avec ses partenaires, l’OMS mobilise aussi les communautés des pays africains par l’intermédiaire de leurs dirigeants et de leurs associations, ainsi que par le biais des médias sociaux, afin de promouvoir l’adhésion aux mesures préventives, de contrer les rumeurs ou la désinformation et de surmonter l’hésitation à se faire vacciner.