Mali : des experts de l’ONU veulent la fin de l’impunité face aux attaques barbares contre les « esclaves »


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Une série d’attaques « barbares » perpétrées cette année contre des centaines de personnes nées en esclavage au Mali dépasse l’entendement, ont dénoncé vendredi des experts indépendants de l’ONU, exigeant que Bamako rende justice aux victimes et interdise enfin l’esclavage.

Selon les experts onusiens, les dernières attaques ont eu lieu fin septembre dans la région de Kayes, à quelque 500 km au nord-ouest de Bamako, la capitale du Mali. Cette zone a été le théâtre de sept attaques précédentes depuis janvier, au cours desquelles une personne a été tuée, au moins 77 ont été blessées et plus de 3.000 « esclaves » ont été déplacés.

« Le fait que ces attaques se produisent si souvent dans cette région montre que l’esclavage fondé sur l’ascendance est encore socialement accepté par certains politiciens influents, chefs traditionnels, responsables de l’application des lois et autorités judiciaires au Mali », ont déclaré dans un communiqué conjoint, Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, Alioune Tine, Expert indépendant sur la situation des droits humains au Mali et Mme Cecilia Jimenez-Damary, Rapporteure spéciale sur les droits humains des déplacés internes.

Lors du dernier incident dans ce pays ouest-africain, des personnes considérées comme des esclaves ont été attaquées par des compatriotes maliens qui s’opposaient à ce qu’elles célèbrent la fête de l’indépendance, même si les « esclaves » avaient retardé leurs célébrations d’une semaine pour éviter des problèmes. Les agresseurs auraient utilisé des armes à feu, des haches, des machettes et des bâtons et ils ont attaché certains des soi-disant « esclaves » avec des cordes avant de les battre sévèrement.

Pour une « enquête impartiale et transparente »

Ces dernières attaques ont duré deux jours, faisant un mort et au moins 12 « esclaves » blessés. Au moins 30 personnes des deux côtés ont été arrêtées et la Gendarmerie a ouvert une enquête. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux en septembre dernier montraient de jeunes garçons ligotés et maltraités par des personnes munies de gourdins et d’armes blanches.

Face à de telles exactions, les experts onusiens demandent une « enquête impartiale et transparente et que justice soit rendue aux victimes ». « Les auteurs d’actes esclavagistes doivent répondre de leurs crimes. Les forces de l’ordre ainsi que les juges pourraient faire beaucoup pour mettre fin à l’impunité s’ils appliquaient les lois existantes en vertu desquelles les attaques contre les soi-disant esclaves constituent des infractions punissables ».

D’autant que ces « actes odieux inqualifiables » durent depuis bien trop longtemps et sont commis par certains ressortissants maliens qui défendent ouvertement l’esclavage fondé sur l’ascendance. Dans le même temps, « le monde entier observe et perd patience. Nous avons déjà condamné cette pratique odieuse à de nombreuses reprises - maintenant le gouvernement malien doit agir, en commençant par mettre fin à l’impunité pour les attaques contre les ‘esclaves’ ».

Le Mali ne dispose pas d’une loi spécifique contre l’esclavage

Certaines personnes naissent en esclavage au Mali parce que leurs ancêtres ont été capturés comme esclaves et que leurs familles « appartiennent » aux familles propriétaires d’esclaves - appelées « nobles » - depuis des générations. Les « esclaves » sont contraints de travailler sans rémunération, peuvent être hérités et sont privés des droits humains fondamentaux.

Notant que le Mali ne dispose pas d’une loi spécifique contre l’esclavage, les experts ont souligné qu’ « il était grand temps de mettre cette pratique hors la loi ». « Le Mali doit criminaliser l’esclavage sans plus tarder et prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger tous les Maliens contre la violence, y compris ceux qui, historiquement, ont eu le statut ‘d’esclave’  », ont-ils préconisé.

Depuis 2018, certaines parties du Mali font face à une montée de la violence liée à la problématique de l’esclavage par ascendance (« jonya », en bamanankan). Cette pratique, qui persiste à Kayes et dans d’autres région du pays, mène à de fortes discriminations.

« L’esclavage ne peut plus être toléré », ont déclaré les experts. « Ceux qui continuent à le soutenir doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas s’attaquer impunément à des personnes qui revendiquent leurs droits légitimes  », ont conclu les trois experts indépendants onusiens.