Plus de 120 millions de filles ne sont pas scolarisées et le monde doit faire davantage d’efforts pour s’assurer qu’elles puissent recevoir une éducation, a déclaré Malala Yousafzai, lauréate du prix Nobel et messagère de la paix des Nations Unies, à Abuja, au Nigéria, mercredi, à l’occasion de son 26e anniversaire.
La défenseure pakistanaise de l’éducation - qui a été blessée par balle par des Talibans pour son militantisme - s’exprimait exactement 10 ans après son discours historique devant des jeunes au siège de l’ONU à New York lors de la « Journée de Malala », où elle avait appelé à une action mondiale contre l’analphabétisme, la pauvreté et le terrorisme.
La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, a souligné que Malala avait transcendé les frontières, les cultures et les générations, alors que son message et sa passion ont touché les gens partout dans le monde.
« Malala continue de nous mettre au défi d’imaginer : d’imaginer un monde avec moins d’intolérance, plus de compréhension et de respect. Un monde avec moins de haine et plus d’humanité. Un monde avec moins de fanatisme et plus d’égalité. Un monde avec moins d’ignorance, et plus d’éducation et de connaissances », a-t-elle déclaré.
Elle a ajouté que l’ONU et Malala savent qu’une éducation de qualité pour les filles et les garçons « n’est pas un rêve, mais que c’est un droit humain fondamental ».
Mettre l’accent sur l’éducation des filles
Dans les années qui ont suivi son discours à l’ONU, Malala a terminé ses études secondaires et universitaires, s’est rendue dans plus de 30 pays et a créé un fonds éponyme visant à réduire les obstacles à l’éducation des filles.
« J’ai prononcé de nombreux discours et parlé à de nombreux dirigeants », a-t-elle dit. « Dans tout ce que j’ai fait, j’ai essayé d’attirer l’attention du monde sur des filles comme moi - les près de 120 millions de filles privées du droit à l’éducation à cause de la pauvreté, du patriarcat, du climat et des conflits ».
Malala a également passé son anniversaire à voyager dans différents pays pour rencontrer des jeunes filles, notamment des réfugiées en Jordanie, en Iraq, au Kenya et au Rwanda, et des jeunes filles autochtones au Brésil.
Elle a effectué trois voyages rien qu’au Nigéria, rencontrant des militants et des jeunes femmes, ainsi que des parents dont les filles figuraient parmi les 276 filles enlevées lors de l’enlèvement de l’école de Chibok en 2014.
Malala a partagé les histoires de certaines des jeunes femmes qu’elle a rencontrées au fil des ans et qui ont obtenu des diplômes universitaires et même commencé à travailler.
« Nous devrions célébrer toute jeune fille qui va à l’université, prend un travail, choisit quand et si elle se marie. Mais nous ne devons pas nous tromper en pensant que nous avons fait suffisamment de progrès », a-t-elle averti.
« Je veux encourager cellesqui ont réussi, malgré les défis auxquels elles ont été confrontées. Mais j’ai le cœur déchiré pour celles que nous avons laissé tomber. Chaque jeune femme comme moi a des amies que nous avons vus être laissées pour compte – celles que les gouvernements, les communautés et les familles ont retenues », a-t-elle ajouté.
Peu de choses ont changé
Elle a salué les initiatives mondiales visant à stimuler l’éducation et l’égalité des sexes, qui contribueront à atteindre l’objectif de développement durable (ODD) d’une éducation de qualité pour tous d’ici 2030. Pourtant, elle a de nouveau souligné que « cette poignée de victoires ne peut cacher à quel point peu de choses ont changé pour des centaines de millions de filles », notamment en raison des retombées de la pandémie de COVID-19.
Malala a également pointé du doigt la situation en Afghanistan après le retour au pouvoir des Talibans il y a deux ans. Auparavant, une femme sur trois y était inscrite à l’université, a-t-elle dit, mais aujourd’hui, c’est le seul pays au monde où les femmes et les filles sont interdites de poursuivre des études.
« Même à l’adolescence, j’ai compris que les progrès pouvaient être lents », a-t-elle déclaré. « Mais je ne m’attendais pas à assister à un renversement complet. Un pays entier de filles interdites d’école et coincées chez elles. Et perdant espoir ».
Dans son puissant discours à l’ONU en 2013, Malala, 16 ans, a déclaré qu’un « enfant, un enseignant, un stylo et un livre peuvent changer le monde ». Son optimisme juvénile s’est depuis tempéré.
« Je vais vous dire aujourd’hui ce que j’ignorais alors. Un enfant, même avec les meilleures ressources et encouragements, un enfant ne peut pas changer le monde. Un président ou un premier ministre non plus », a-t-elle déclaré. « Un enseignant, un militant, un parent - personne ne peut changer le monde à lui seul. Ce qui est vrai, c’est que le changement peut commencer avec une seule personne ».
Investir dans les filles
Malala a appelé à unir leurs forces pour construire un monde où tous les enfants ont accès à 12 ans d’éducation de qualité, tandis que les dirigeants doivent être tenus responsables de leurs engagements en faveur de l’égalité des sexes et de l’éducation.
Elle a également souligné l’importance des communautés. « Je crois que tant de problèmes auxquels les filles sont confrontées seraient résolus si nous pouvions briser l’emprise du patriarcat, la misogynie, que nous déguisons en tradition culturelle ou en religion », a-t-elle déclaré.
Malala a révélé qu’à l’âge de 16 ans, elle n’aurait pas pu imaginer ce que la décennie à venir lui réserverait, même si elle avait bon espoir.
« Aujourd’hui, j’entrevois plus clairement l’avenir car j’ai rencontré nos futurs dirigeants. Les filles comprennent le pouvoir de l’éducation et elles s’efforcent d’ouvrir suffisamment grand les portes de l’école pour que chaque enfant puisse y entrer », a-t-elle déclaré. « Je sais que si nous égalons leur détermination, finançons leur travail et suivons leur exemple, nous verrons beaucoup de progrès au cours des 10 prochaines années ».