Soudan : Un cessez-le-feu pourrait ouvrir la voie à des pourparlers de paix


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Un cessez-le-feu qui devait entrer en vigueur lundi soir au Soudan pourrait ouvrir la voie à des pourparlers de paix pour mettre fin à un conflit qui dure depuis plus d’un mois, a déclaré le plus haut responsable de l’ONU dans le pays.

« Des vies et des infrastructures sont détruites et la situation sécuritaire entrave l’acheminement de l’aide humanitaire », a déclaré Volker Perthes, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Soudan, lors d’un exposé lundi au Conseil de sécurité sur les récents développements.

Cinq semaines après l’éruption des combats entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), le conflit n’a montré aucun signe de ralentissement malgré les déclarations répétées de cessez-le-feu des deux côtés, a noté M. Perthes, qui dirige également la mission de l’ONU dans le pays, UNITAMS.

S’il est respecté, le cessez-le-feu renouvelable d’une semaine devrait faciliter l’acheminement de l’aide à des millions de personnes dans le besoin et « ouvrir la voie à des pourparlers de paix », a-t-il dit au Conseil.

Respect du cessez-le-feu essentiel

Le Mécanisme trilatéral, qui réunit les Nations Unies, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (un groupe régional de pays d’Afrique de l’Est), a salué dimanche le nouvel accord de cessez-le-feu.

Il a exprimé l’espoir que cette mesure contribuerait à faciliter l’arrivée des secours et de l’aide humanitaire dans les zones touchées. « Compte tenu de l’urgence de la situation, le respect du cessez-le-feu est essentiel pour faciliter l’acheminement de l’aide à plus de 25 millions de Soudanais qui sont dans le besoin, soit plus de la moitié de la population du pays », a dit le mécanisme dans un communiqué.

Selon les rapports des médias, l’armée soudanaise et les forces paramilitaires ont conclu un accord de cessez-le-feu de sept jours, samedi à Djeddah, en Arabie saoudite. L’accord, négocié par l’Arabie saoudite et les États-Unis, devait entrer en vigueur 48 heures plus tard, lundi à 21 h 45 heure locale (19h45 GMT).

Le mécanisme trilatéral exhorte les deux parties à respecter le cessez-le-feu et se tient prêt à soutenir la mise en œuvre effective du cessez-le-feu de sept jours, ainsi que les efforts régionaux et internationaux visant à mettre rapidement fin aux combats au Soudan. Il appelle l’ensemble de la communauté internationale et les acteurs humanitaires à unir d’urgence leurs efforts pour soutenir le peuple soudanais en cette période critique.

Les civils paient le prix fort

Dans son exposé devant le Conseil de sécurité, Volker Perthes   a soulevé une série de graves préoccupations concernant les graves violations des droits de l’homme, les pillages endémiques et le flot d’armes dans tout le pays.

En outre, il a déclaré que l’ethnicisation croissante du conflit risquait d’engloutir le pays dans un conflit prolongé, avec des implications pour la région, appelant les deux parties à reprendre le dialogue dans l’intérêt du Soudan et de son peuple.

Les civils ont payé un lourd tribut à cette « violence insensée », a-t-il dit, notant les plus de 700 décès signalés, dont 190 enfants, les 6.000 blessés et de nombreux autres personnes disparues. La violence a déplacé plus d’un million de personnes ; plus de 840.000 ont fui vers des zones plus sûres tandis que 250.000 autres ont traversé les frontières. Parmi ces déplacés, près de 8.000 sont des femmes enceintes.

Graves violations des droits de l’homme

Les combats dans tout le pays ont entraîné « de graves abus et violations des droits de l’homme » du droit international humanitaire et ont porté atteinte à la protection des civils.

« Ces violations doivent faire l’objet d’une enquête et les auteurs doivent être traduits en justice  », a déclaré Volker Perthes. « La famille des Nations Unies continue de surveiller et de plaider pour la fin de toutes les violations ».

À Khartoum, au Darfour et ailleurs, les parties belligérantes continuent de se battre sans tenir compte des lois et des normes de la guerre, a-t-il dit, pointant du doigt des maisons, des magasins, des lieux de culte et des installations d’eau et d’électricité détruits ou endommagés, ainsi qu’un secteur de la santé qui s’effondre, avec plus des deux tiers des hôpitaux fermés, de nombreux travailleurs de la santé tués et des fournitures médicales épuisées.

Consterné par les informations faisant état de violences sexuelles contre les femmes et les filles, il a déclaré que l’ONU s’efforçait de vérifier ces cas. Il a également fait part de ses inquiétudes concernant les pillages endémiques et les disparitions forcées, et le fait que les enfants continuent d’être vulnérables au recrutement et à l’utilisation comme soldats, à la violence sexuelle et aux enlèvements.

La criminalité est aggravée par la libération de milliers de prisonniers et la propagation croissante des armes légères, a-t-il averti.

Montée en flèche de la violence ethnique

À El Geneina, dans l’ouest du Darfour, les affrontements entre les parties ont dégénéré en violence ethnique le 24 avril. Les milices tribales se sont jointes au combat et les civils ont pris les armes pour se défendre, a-t-il dit.

Des maisons, des marchés et des hôpitaux ont été saccagés et incendiés, et des locaux de l’ONU pillés. Plus de 450 civils auraient été tués et 700 autres blessés. Le 12 mai, un regain de violence aurait fait au moins 280 morts et des dizaines de milliers de personnes déplacées vers le Tchad, a-t-il déclaré.

Des signes inquiétants de mobilisation tribale sont également signalés dans le Kordofan méridional ainsi que dans la région du Nil bleu, a-t-il averti.

Alors que l’ONU est accusée de ne pas avoir prévu le conflit, il a affirmé que la responsabilité des combats incombe à ceux qui les mènent actuellement. « La décision des parties combattantes de combattre leurs différences sur le terrain plutôt que par le dialogue dévaste le Soudan », a-t-il dit.

Coût de la guerre

Grâce à un hub à Port-Soudan, l’UNITAMS soutient les efforts de l’équipe de pays des Nations Unies et des partenaires humanitaires pour rétablir le flux de fournitures d’aide vers et à l’intérieur du pays, a précisé M. Perthes.

Mais un financement supplémentaire est nécessaire de toute urgence, a-t-il dit, rappelant que le plan de réponse humanitaire révisé lancé le 17 mai, demande 2,6 milliards de dollars pour atteindre 18 millions de personnes.

Les belligérants ont convenu de faciliter l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire. Ils ont également convenu du rétablissement des services essentiels, mais aussi de retirer les forces des hôpitaux et des installations publiques essentielles.

Ils entendent aussi faciliter le passage en toute sécurité des acteurs humanitaires et des produits de base, en permettant aux marchandises de circuler sans entrave depuis les points d’entrée jusqu’aux populations dans le besoin.