Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a exhorté, jeudi, les États à prendre des mesures contre la traite des êtres humains, dont un tiers des victimes sont des enfants. Soulignant comment la pandémie de Covid-19 a poussé jusqu’à 124 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté, le chef de l’ONU a insisté sur le fait que « plusieurs millions » sont restés vulnérables au fléau.
La moitié des victimes dans les pays à faible revenu sont des enfants, a noté M. Guterres dans un message publié pour la Journée mondiale contre la traite des personnes, ajoutant que la plupart sont victimes de la traite à des fins de travail forcé.
« Partout, les criminels utilisent la technologie pour identifier, contrôler et exploiter les personnes vulnérables », a déclaré le chef de l’ONU, ajoutant que les enfants sont de plus en plus ciblés via des plateformes en ligne à des fins d’exploitation sexuelle, de mariage forcé et d’autres formes d’abus.
Campagne de l’ONUDC
A l’occasion de la Journée mondiale de cette année, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a lancé une campagne intitulée « La voix des victimes montre la voie » pour mettre en lumière les histoires inédites des victimes et leur rôle dans la lutte contre la traite.
« La voix des victimes est essentielle pour prévenir la traite, soutenir les survivants et traduire les auteurs en justice », a déclaré la Directrice exécutive de l’ONUDC, Ghada Waly. Notant que la pandémie de Covid-19 a aggravé les vulnérabilités à la traite, elle a déclaré que « les contributions des victimes sont plus critiques que jamais ».
L’ONUDC aide les pays et toutes les parties prenantes à mettre en œuvre le Protocole sur la traite des personnes et à développer des approches centrées sur les victimes. Par le biais du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour les victimes de la traite des personnes, l’agence onusienne fournit également un soutien essentiel aux victimes et les aide à responsabiliser dans le cadre de la réponse. Mme Waly a appelé tous les États membres à soutenir le fonds et à contribuer à amplifier les histoires des victimes.
Racisme et xénophobie
« Plutôt que d’être protégés et aidés sans discrimination en tant qu’enfants à risque, les enfants victimes de la traite sont traités comme des migrants en situation irrégulière ou soumis à des poursuites pénales, et leur âge et leur crédibilité sont remis en question », a déclaré la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la traite des êtres humains, Siobhán Mullally.
Mme Mullally s’est jointe à l’appel à l’action, déclarant que « le racisme, la xénophobie et la discrimination fondée sur le sexe mettent en danger les droits humains des victimes de la traite et permettent à ceux qui pratiquent le commerce illégal de continuer en toute impunité Au lieu d’être identifiées comme victimes d’une grave violation des droits humains, les victimes sont arrêtées, détenues, privées d’assistance et de protection et même renvoyées de force dans leur pays d’origine en raison du profilage racial et de la discrimination aux postes frontaliers et dans les systèmes de justice pénale », a-t-elle déploré.
La Rapporteure spéciale a exhorté tous les acteurs concernés, y compris le secteur privé, à lutter contre le racisme et la xénophobie dans l’application des lois, aux frontières, dans les systèmes éducatifs, sur les lieux de travail, dans les systèmes de protection de l’enfance et dans les opérations humanitaires et de paix.
Elle a noté que lorsque la discrimination fondée sur le genre s’ajoute au racisme et à la xénophobie, les victimes souffrent encore plus. « Les actions de lutte contre la traite doivent aller au-delà des stéréotypes néfastes des « victimes idéales » qui laissent de nombreuses victimes et survivants sans la protection et l’assistance auxquelles ils ont droit », a-t-elle insisté.
Les mesures de prévention sont également limitées par les stéréotypes racistes et la xénophobie et conduisent à des échecs d’identification, selon le rapporteur spécial. « Trop souvent, les témoignages des victimes sont remis en question et les préjudices et traumatismes qu’elles ont subis sont niés », a dit Mme Mullally.
L’absence d’identification des victimes de la traite entraîne des retours forcés, des arrestations, des détentions et des poursuites, une séparation des familles et des refus d’assistance consulaire, plutôt que de protection et d’assistance.
L’action des gouvernements est encouragée
Le Secrétaire général de l’ONU a exhorté les gouvernements à prendre des mesures urgentes pour renforcer la prévention, soutenir les victimes et traduire les auteurs en justice. Cela comprend la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de son Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes.
Mme Mullally a également rappelé aux pays qu’ils ont l’obligation, en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, d’éliminer la discrimination directe, indirecte et structurelle, et que la recommandation générale n° 38 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) de l’année dernière réitère l’obligation des États d’en assurer l’application à toutes les victimes sans exception.
« À moins que les États ne prennent des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination, le racisme et la xénophobie, les trafiquants continueront de cibler les communautés minoritaires, les peuples autochtones, les apatrides, les migrants et les réfugiés, en toute impunité », a-t-elle averti.
Impliquer les victimes
« Les voix de tous les survivants et victimes de la traite doivent être portées au premier plan sans discrimination ni exception », a déclaré Mme Mullally. « L’autonomisation de tous les survivants de la traite des personnes est essentielle pour garantir que les droits humains de toutes les victimes de la traite des êtres humains soient respectés sans discrimination et de toute urgence ».